SMR : l’avenir du nucléaire ?

Avec la hausse du prix des hydrocarbures et les tensions géopolitiques, de nombreux pays s’interrogent sur la politique énergétique à mener pour concilier sécurité, fiabilité, compétitivité des prix et protection de l’environnement.

Dans ce cas de figure, la course au gigantisme des réacteurs nucléaires semble belle et bien terminée. Le futur semble appartenir aux Small Modular Reactor (SMR).

Ce sont des Petits Réacteurs Modulaires (PRM) d’une puissance qui peut s’échelonner entre 50 et 250 MW, soit 10 fois moins qu’un réacteur classique. Ils pourraient être une solution pour la fourniture d’énergie décarbonée et constituer une alternative au centrales nucléaires classiques et aux centrales thermiques.

Les SMR : que sont ces mini-réacteurs nucléaires ?

Les réacteurs nucléaires compacts et de faible puissance de la propulsion navale ont servi de modèle et d’inspiration pour créer les SMR. L’idée remonte aux années 60 mais n’a été concrétisée que depuis une vingtaine d’années. Aujourd’hui, près de 70 SMR sont en projet/construction dans le monde, utilisant des technologies variées.

Ces divers projets sont menés par l’industrie nucléaire mais également par des start-ups et cette idée s’est développée de manière significative dans plusieurs pays, comme les Etats-Unis, le Canada, la Russie et la Chine. Néanmoins, il n’existe pour l’instant que trois réacteurs en activité correspondant aux critères d’un SMR. Sur ces trois réacteurs, deux sont raccordés à un réseau électrique en Russie et le dernier vient d’être mis en fonction en Chine.

Tous les autres projets en sont à des stades variés d’avancement, car de la conception à la mise en fonction, le chemin est très long. Il faut tout d’abord définir le concept, puis réaliser les avant-projets, choisir le site d’installation, obtenir la certification par les autorités de sûreté avant même de pouvoir construire un prototype.

Comment fonctionnent les SMR ?

Le terme de SMR est très vaste et rassemble en réalité tout un ensemble de concepts différents, dit « filières », de centrales nucléaires. Le but est néanmoins le même.

Les SMR ont pour principe de miniaturiser des technologies déjà existantes, ou tentent de miniaturiser et de rendre plus modulaires les réacteurs dès qu’ils sont conçus, dans le cas de réacteurs de nouvelle génération.

De nos jours, la filière la plus avancée pour les réacteurs de haute puissance et celle des réacteurs EPR (à eau pressurisée), qui représente plus ou moins 55% des réacteurs en fonction dans le monde. Cette technique est une évolution de la technique REP (Réacteur à eau sous pression) qui domine encore actuellement (tous les réacteurs français en fonction utilisent cette technologie).

Une « filière de réacteur » se définit par une combinaison de trois éléments : le combustible, le modérateur et enfin le caloporteur. Cet ensemble reflète une orientation scientifique et technique pour produire de la chaleur.

Ainsi, dans la filière des réacteurs EPR, cela donne :

  • Combustible = Oxyde d’uranium enrichi à 5% en U-235 ;
  • Modérateur = Eau ordinaire ;
  • Caloporteur = Eau ordinaire.

L’énergie calorifique provenant des réactions au cœur du réacteur peut indifféremment être utilisée pour la production d’électricité mais également pour le chauffage, pour désaliniser l’eau de mer ou encore pour produire de l’hydrogène. Les avantages sont donc multiples.

Vers des technologies plus propres et plus sûres

Afin d’être en phase avec les préoccupations environnementales actuelles, d’autres filières sont déjà à l’étude en France, celle des « réacteurs à neutrons rapides » et la filière des « réacteurs à sels fondus ».

Ces technologies sont encore en phase de recherche et seront opérationnelles dans plusieurs décennies, aussi bien dans les réacteurs à haute puissance que ceux des SMR.

Ces deux nouveaux concepts ont pour objectif premier de préserver les ressources naturelles et gérer durablement les déchets, tout en offrant une sûreté accrue. Ils forment ce que l’on appelle des réacteurs de 4ème génération.

Ils sont étudiés au sein d’un partenariat de nombreux pays du monde (dont la France) dans le cadre du Forum international Génération IV (GIF), un forum regroupant de nombreux pays qui souhaite réfléchir aux réacteurs du futur.

L’intérêt de la miniaturisation

Si les entreprises se sont lancées dans la miniaturisation des réacteurs, c’est bien évidemment que cela pourrait représenter un attrait économique, et ce pour diverses raisons. Tout d’abord, la miniaturisation permet de simplifier le design d’ensemble et donc de supprimer certains systèmes superflus.

Ensuite, le concept d’architecture par modules permet une qualité de fabrication plus importante, mais aussi de diminuer les coûts et d’optimiser les plannings de construction. Elle permet également de pouvoir agrandir très facilement une centrale si cela est nécessaire. Cette technique a été pensée pour les constructions de navires dans les chantiers navals et est désormais utilisée avec beaucoup de succès dans les secteurs du BTP et de l’aéronautique.

Une centrale nucléaire est une construction d’une complexité extrême. Cette complexité est due à la diversité des équipements, des systèmes, mais également de leurs interactions.

Grâce à la modularité, les concepteurs peuvent segmenter la centrale en plusieurs parties (les modules). Chaque module doit correspondre à une fonction précise. Cette organisation modulaire implique l’organisation d’une filière d’approvisionnement qualifiée pour la filière nucléaire. Mais cet écosystème de sous-traitants ne pourra naître que si les SMR sont produits massivement.

Enfin, avec le développement et la généralisation des SMR, une fabrication standardisée et des normes devraient se mettre en place et encourager des économies d’échelle ainsi qu’une meilleure sûreté.

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Les réacteurs SMR plus sécurisés que les réacteurs classiques ?

La sûreté et la sécurité des habitants sont la première préoccupation de la filière nucléaire. Les SMR, comme tout réacteur nucléaire, devront respecter les plus récentes normes de sécurité nucléaire. La sécurité nucléaire évolue en permanence grâce aux retours d’expérience des exploitants des divers réacteurs. Elle utilise également les innovations et découvertes des programmes de R&D, et malheureusement, les incidents ou accidents. De nos jours en France, la réglementation intègre le retour d’expérience de Tchernobyl et de Fukushima.

Pour tous nos réacteurs, les normes de sûreté sont renforcées. La réglementation rend obligatoire la création d’équipements dits « ultimes », c’est-à-dire étant capables de résister à des aléas exceptionnels (le « noyau dur »).

Il est certain que le fait de simplifier le design, couplé à la technique des modules, devraient être des éléments favorables à la sécurité, car ils permettront de faciliter les contrôles, mais également une fabrication suivant des normes précises et universelles. Il est également évident que la réduction des tailles des réacteurs et de leur puissance va aussi permettre une meilleure sûreté, puisqu’en cas d’incident, il y aura moins de « puissance résiduelle » à évacuer.

Les avantages des SMR pour le nucléaire

Les avantages des SMR proviennent avant toute chose de leur petite taille, corollaire de leur puissance limitée.

Pour les SMR produisant quelques MWe (MégaWatt électrique), ils auront vocation à être implantés hors réseau, et pour les SMR jusqu’à 200 MWe, ils pourraient être consacrés à des sites industriels pour leur fournir électricité et/ou chaleur. Pour les SMR produisant davantage, ils seraient destinés à répondre aux variations de la demande d’électricité à partir des réseaux.

Hormis leurs avantages économiques évidents à comprendre, les SMR ont l’avantage de pouvoir être implantés au plus près des usagers. Représentant très peu de risques par rapport à une centrale classique, leur acceptation sociale peut ainsi être facilitée.

Les SMR les plus puissants (300 MWe) pourraient ainsi remplacer aisément les nombreuses centrales thermiques qui arrivent en fin de vie.

Les SMR, c’est pour quand ?

Il existe environ 70 projets de SMR à l’heure actuelle dans le monde, à des stades de développement plus ou moins avancés. Parmi ces projets, un quart utilisent des filières de génération 3 (GEN III).

Certains modèles pourraient donc être disponibles autour de 2030 et représenter ainsi 10% de la production nucléaire dans le monde d’ici 2040.

Source : OCDE

Néanmoins, pour l’instant, le marché n’existe pas encore. Il faut encore uniformiser les normes internationales de sûreté afin de pouvoir proposer un modèle unique n’ayant pas besoin d’être adapté à chaque pays. La standardisation doit aussi pouvoir permettre de diminuer les coûts, qui sont encore très importants.

Néanmoins, du fait de la crise énergétique mondiale, le débat fait rage en France entre les partisans du soutien au nucléaire et ceux qui souhaitent orienter tous les budgets vers les énergies renouvelables. L’avenir du SMR se joue maintenant.

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